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Du cinéma, rien que du cinéma
14 mars 2013

Dans la maison

Un film de François Ozon avec Fabrice Luchini, Kristin Scott Thomas, Ernst Umhauer, Denis Menochet, Emanuelle Seigner et Bastien Ughetto.

Sortie le 10 Octobre 2012

SynopsisUn garçon de 16 ans s'immisce dans la maison d'un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l'enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d'événements incontrôlables. (source allociné)

 http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19352899&cfilm=193715.html

20133111Critique : 

François Ozon, pour sa livraison annuelle, s'attelle cette fois-ci aux rapports entre "apprenants" et professeurs, thème fécond s'il en est, à l'heure du bouillonnement actuel autour de la question du temps et du programme scolaire.

Après s'être plongé mélancoliquement et languidement dans les méandres de la vie de couple (Sous la sable, 5x2), avoir abordé de manière sensible et charnelle la fin de vie (le temps qui reste), décortiqué en chansons ou avec humour les rapports de force familiaux (8 femmes et Potiche), il propose ici un thriller étonnant.

S'essayant à un nouveau genre, l'ancien diplômé de la section réalisation de la Femis, prend une nouvelle fois des risques en osant utiliser la littérature comme point de départ à son film, un art menacé d'obsolescence à notre époque.

La littérature comme toile de l'imaginaire 

Le film s'ouvre sur Germain, joué par un Luchini aussi brillant qu'à son habitude, un professeur de français blasé par le niveau consternant de ses élèves de seconde, qui va enfin reprendre un peu d'espoir en lisant la rédaction de Claude, un de ses nouveaux "apprenants", comme il est de coutume de dire dans le lycée dans lequel il travaille.

Dans cette rédaction, le jeune homme parle de sa volonté de s'introduire dans la maison d'un de ce camarades qu'il observe depuis un an depuis un banc face à la demeure. Il y développe son plan machiavélique pour approcher la "famille normale"

Se proposant de l'aider en Mathématiques, il parvient bientôt à pénétrer dans l'intimité de son camarade Rapha.

Le professeur, décelant le talent de son élève et intrigué par l'histoire qu'il raconte, lui propose de lui donner des cours d'écriture, l'incitant, plus ou moins tacitement, à continuer son immersion dans la famille de son camarade.

C'est là que le propos prend toute sa profondeur.

Ozon nous met donc dans la position du spectateur/voyeur, qui réprouve les méthodes et le ton particulièrement cynique du jeune écrivain mais qui ne peut s'empêcher, comme son professeur, de vouloir en connaître toujours plus sur cette famille, quitte à souhaiter un drame.

Le réalisateur étaye son propos par une discussion entre Luchini et sa femme, jouée par une sobrissime Kristin Scott Thomas, dans laquelle elle dit que "l'art ne sert à rien en général, le spectateur s'en sert comme toile pour projetter son imaginaire" alors qu'elle est galériste.

Il s'agit bien de celà dans ce film, puisque cette histoire d'immersion dans une famille de classe moyenne émoustille la curiosité, érodée de part ses années d'enseignement, de Germain et, par catharsis, le spectateur lui-même.

L'exercice de style du jeune Claude prend une autre tournure lorsqu'il décrit dans ses rédactions fini par avoir des résonnances dans le réel : lorsque Luchini conseille à Claude de donner plus de "corps" au personnage de Rapha en lui prêtant des sentiments de jalousie, le jeune homme s'empresse de lui livrer une suite dans laquelle Le jeune Rapha le surprend en train d'embrasser sa propre mère, ce qui finit par le conduire au suicide.

C'est inquiet que le professeur découvre l'absence de Rapha le lendemain.

A partir de moment, le sentiment de malaise naît réellement et le spectateur, comme le professeur, est partagé entre son attirance pour le drame et l'empathie envers cette famille qui éclate sous nos yeux.

Le rapport entre l'artiste et son oeuvre :

Au delà de la catharsis évidente, un autre questionnement est sous-jacent dans ce brillant thriller.

Jusqu'où un artiste est capable d'aller pour continuer son oeuvre et quel est son sentiment par rapport aux personnages dépeints?

Ozon répond à cette question en miroir.

Le peu d'empathie qu'éprouve Claude pour son camarade et son intrusion de plus en plus malsaine dans la famille nous montre que l'écrivain ne recule devant rien pour faire avancer son intrigue.

Mais les réorientations incessantes de son professeur prouve que vivre pour écrire n'est pas la meilleure méthode.

Ozon s'amuse donc à se questionner lui-même, et par effet de miroir, le spectateur, en allant même jusqu'à faire apparaître par la magie du récit, le professeur comme spectateur de la scène du baiser, qui fait basculer le film dans l'angoisse, alors qu'il n'était pas présent.

la mise en scène, montée par résonnance entre le récit de Claude et la vie réelle des protagonistes, nous tient en haleine jusqu'au dénouement inattendu.

Conclusion 

Plus qu'un thriller, la nouvelle "oeuvre" d'Ozon est un questionnement sur la place du spectateur dans une oeuvre artistique.

A l'image du peintre dépeint par Kristin Scott Thomas, qui n'expose pas de tableaux mais juste un casque dans lequel il décrit l'oeuvre, laissant le spectateur libre "d'y projetter son imaginaire", Ozon nous inclue dans le déroulement de son film, en nous mettant à la place du professeur qui tente d'influencer le récit en recadrant son élève.

 

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Il questionne aussi sur la place de l'art dans notre imaginaire : l'art nourrit l'imaginaire ou l'imaginaire nourrit-il l'art?

A chacun d'y voir ce qu'il veut. Une oeuvre forte et inédite, entre humour noir et thriller, qui ose bousculer le spectateur dans ses habitudes passives, servie par des acteurs tous justes.

Mention spéciale à Ernst Umhauer, qui a reçu le césar du jeune espoir masculin, tour à tour attendrissant et inquiétant.

Note : 7/10

 

 


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