l'écume des jours

De Michel Gondry avec Romain Duris, Omar Sy, Gad Elmaleh, Audrey Tautou et Alain Chabat

Synopsis: L’histoire surréelle et poétique d’un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite (source allociné)

Du paradis à L'enfer : 

Adapter l'inadaptable, Gondry n'a décidément peur de rien. En portant à l'écran la gouaille, la révolte et l'acidité de Vian, on ne pouvait que s'attendre à un chef-d'oeuvre tant les deux artistes semblaient liés par leurs imaginaires foisonnant. Dès le début, malgré la débauche de fantaisie visuelle et d'invention "bricolée" très Gondryesque, on sent que quelque chose cloche.

Sans doute parce qu'on entre trop violemment dans cet univers sans en avoir les clés et qu'on ne s'y fait pas pendant tout le reste du film. Entre une sonnette "insecte", un "homme souris", la déliquescence de la maison de Colin et Chloé, l'ambiance fantastico-onirique du film met mal à l'aise.

Même lors des scènes d'expositions, explosant de couleurs et d'idées comiques, l'oeil, peu habitué à tant de foisonnement et d'inventivité, a du mal à suivre le rythme et entre difficilement dans l'histoire, pourtant très poétique.

Quelques belles idées comme le pianocktail (piano qui délivre des mélanges alcoolisés en fonction de ce qu'on joue) ou la demeure du couple qui tombe en décrépitude en même temps que la jeune femme, idées évoquées dans le roman mais pris au sens propre dans l'adaptation de Gondry, font merveille à l'écran mais finissent par lasser. Certains effets ou séquences sont même totalement injustifiés et pèsent lourdement sur le rythme du film. Il faut dire que les acteurs ne sont pas tout à fait au rendez-vous, Tautou nous ressert sa prestation habituelle de jeune fille espiègle et émouvante, Duris, pourtant capable de grande finesse par ailleurs ("de battre mon coeur s'est arrêté"), délivre un Colin premier de la classe, gentil et souriant.

La véritable surprise est certainement le personnage du meilleur ami de Colin, Chick, joué par un Gad Elmaleh mesuré et juste. Chick, admirateur fou de Jean-Sol Partre (ou Jean-Paul Sartre "l'ennemi juré" de Vian) amène l'histoire vers une profondeur que l'on n'attendait pas. De simple drame amoureux, l'écume des jours devient satire sociale, stigmatisant le capitalisme en montrant la déchéance de Chick qui se ruine en "produits dérivés" de son idole et préfère ne pas se marier de peur de faire un mariage trop cheap, et celle de Colin qui se trouve confronté aux difficultés du monde du travail.

La mise en scène en elle même ne démérite pas, passant de couleurs chatoyantes à un noir et blanc profond à mesure que l'histoire s'enfonce dans le drame. Mais on ne peut pas en dire autant du montage.

A trop vouloir montrer toute l'étendue de son imaginaire, Gondry n'a pas réussi à faire les coupes nécessaires à une meilleure fluidité. c'est d'autant plus dommage que, lorsqu'il décide de faire dans l'humour (soyez sympa rembobinez, the green hornet) ou dans la tendresse folle (eternal sunshine of a spotless mind, la science des rêves), il fait des merveilles.

Conclusion : Une belle folie visuelle, une satire sociale qui nous prend par surprise mais une ambiance malsaine et un montage au détriment du rythme gâchent le plaisir de retrouver ce magicien de l'effet bricolé à l'imagination débordante.

L'Ecume des jours

Note: 6/10